Portrait de Souleymane Bachir Diagne

Le fagot de ma mémoire

J’ai écrit ceci en 2021… Depuis lors, il dormait dans mes notes
Quand la mémoire va chercher du bois mort, elle revient avec le fagot qu’il lui plaît
Il y a quelques temps, j’ai vu apparaître sur ma TL le dernier livre de Souleymane Bachir Diagne: « Le fagot de ma mémoire » et, j’ai eu un choc… Pourquoi a-t-il choisi ce titre? D’où lui vient-il? M’a-t-il entendu à mon insu? Je me sentais moins seule. J’entretiens une relation particulière avec cette citation me promettant qu’un jour ou l’autre je l’utiliserai comme titre pour ces fulgurances et tranches de vie que j’écris à gauche et à droite, la convoquant consciemment ou inconsciemment toutes les fois où l’on appel à la mémoire. La retrouver chez Souleymane Bachir Diagne me surprend. Que ce soit le titre de son livre mémoire m’a remuée comme toutes les fois où je l’écoute. Je dois avouer ici que je l’ai plus écouté que lu.

L’oncle dans ma famille imaginaire

Souleymane Bachir Diagne, j’ai entendu ce nom pour la première fois au milieu des années 90 dans mon Saint-Louis natal, que nous partageons, je ne le savais pas à l’époque. Et son nom m’est resté comme celui d’un grand frère, non plutôt celui de l’oncle préféré dans la famille imaginaire qu’on se crée à certains moments de sa vie. Cet oncle brillant qui a vu, qui a vécu, qui a fait le tour du monde et a des anecdotes extraordinaires, qui a été convié à toutes les tables. Et cette place, que je lui allouée dans ma famille imaginaire depuis cette époque, vient de trouver tout son sens tant chacun de ses mots a fait écho en moi. De Saint-Louis du Sénégal à New York je l’ai suivi, prenant frénétiquement des notes à chaque page. Je n’aime pas lire et prendre des notes. Mes lectures n’ont pas d’autre vocation chez moi que le plaisir des mots et du moment. Je me suis retrouvée à surligner des passages entiers. Est-ce bien moi? Je suis passée de « non, il me connaît, c’est pas possible » à « Zoubida tu ne serais pas un peu prétentieuse là ». J’ai souri tout le long. Souri face à cet imaginaire qui lui permet d’évoquer la possibilité d’une rencontre entre Rose Dieng et Senghor à Nantes. Ce que SBD ignore certainement, c’est qu’à l’évocation, je me suis assise aussi sur un banc pas loin d’eux deux et je les ai vus sourire. Sourire à la vie. Sourire en revisitant le chemin parcouru et partager ce regard de connivence sans aucun mot prononcé que seuls ceux qui ont pleinement vécu connaissent. Ces silences pleins et sereins. J’ai souri. J’ai suivi SBD dans les ruelles de la SICAP, en nostalgique d’un temps que je n’ai jamais connu. Surprise et choquée qu’il me donne cette description comme s’il avait entendu ma conversation avec Jum il y a quelques années. Quand pour les besoins de l’écriture de « Seule » je l’ai poursuivi pour toutes ces descriptions. Pendant tout le long il m’a tenu par la main, m’emmenant avec lui de ville en ville. Sur le chapitre des Mamelles, j’ai encore eu un moment de « non c’est pas possible », ceux qui me connaissent personnellement comprendront. Quelqu’un que j’e connais me dira, « Zoubida, c’est  un biais de confirmation». Et je lui rétorquerai que l’apparition de Nantes n’est pas fortuite. Il comprendra.

Avoir dix-huit ans… Devenir adulte…

Je me permets de m’évader avec lui et de comprendre à ma guise, tout ce que ne dit pas ce fameux « j’ai eu dix-huit ans à Paris», cet âge, où nous pensons que tout est possible avec cette sorte de prétention que confère l’entrée fraiche dans la vie d’adulte. Et je me remémore cette chanson de Kiné Lam « su asamaan doon wacc so ko joxoñ e mu taxaw » Vivre ses premières désillusions quand les premières notes tombent. Ce moment du reste de notre vie où nous prenons conscience qu’il faudra plus que tout ce que nous avions connu jusqu’à présent pour aller plus loin et continuer à performer. Notre facilité ou ce que nous avons tendance à appeler abusivement talent inné, ne nous sera plus d’aucun secours, continuer à avancer se fera (la plupart du temps) contre nous. Recevoir ses premiers coups d’adulte et tomber mais aussi se relever inéluctablement. Devoir faire des choix d’adulte alors qu’à peine nous étions sevrés et comme on dit chez nous, bo weñe bakkan bi meew genn. Me retrouver dans cette quête qui est la sienne de vouloir coûte que coûte continuer à avancer et réaliser chacun de ses rêves « La métaphysique de l’amour, métaphysique de la mort ». Sourire à nouveau, en me disant « moi aussi, moi aussi une simple remarque que l’on me fait me met sur la voie en m’ouvrant un univers de possibles que je n’avais jamais envisagé ».

A propos du mérite…

« … que le mérite est le grand égalisateur qui récompense celui qui se consacre à l’étude. Ce n’est pas faux, bien sûr, … mais… »
Dans cette balade dans laquelle il m’a entraîné en me tenant par la main, je me suis surprise à le questionner, re questionnant mon engagement et mon viatique. Si nous avons eu cette chance quid des autres. Si nous pouvons clamer ceci et éduquer nos enfants ainsi quid de tous ceux que le système à laisser en rade et ceux qu’il a abandonnés en pleine route. Que deviendront-ils et que seront les leurs ?

Émotions

Émotions encore et toujours. Et toutes ces pages surlignées continuent de me faire penser que je n’ai pas restitué toutes les réflexions qui ont trouvé un écho. Tous ces mots posés côte à côte qui ont un sens profond et dont le choix m’a semblé tout le long très réfléchi. Des questions il m’en reste, des réponses je n’en aurai peut être jamais. Toujours est il que j’ai compris en refermant le livre cette image choisie à la toute fin. Celle de cet homme observant la ville et sirotant un café chaud. Je ne suis plus certaine que ce soit exactement cela, mais l’idée y est. Avez-vous envie de lire ce livre? Peu importe votre réponse au final, ce texte n’avait pas pour but de vous le faire lire. Je l’ai écrit comme un rappel à moi à continuer sur ce chemin que j’ai à faire. Continuer à aller chercher les fagots qui me plaisent et à les insérer dans chaque texte que j’espère avoir la chance de continuer à partager avec vous tous.
Le fagot de ma mémoire, Editions Philippe Rey, 2021

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