Maternité et carrière: le prix à payer pour exister

Aujourd’hui c’est la fête des mères au Sénégal

Pour nombre d’entre nous, nous recevrons des fleurs et autres cadeaux de nos enfants, peut-être aussi de nos compagnons de vie. Les messages WhatsApp générés par ChatGPT pour les plus modernes ou recyclés de l’année dernière referont leur apparition. C’est la partie qui nous concerne nous. Quand je dis nous, je parle de ces femmes lettrées que nous sommes, urbaines, jeunes et moins jeunes. 

Parce que les autres n’ont jamais entendu parler de la fête des mères. Si pour certaines, leurs enfants savent, ce n’est pas une pratique répandue ou ancrée dans nos sociétés de célébrer sa mère en dehors du cadre normatif établi et des moments dédiés. On célèbre sa mère dans les règles du jeu social : quand elle a mis au monde un fils qui se marie, ou quand elle devient la grand-mère d’un petit-fils. Et même là, c’est la belle-famille qui l’honore. Pas elle, mais sa résilience, sa docilité, sa soumission. 

Je m’égare… Ceci n’est pas le propos du jour.

Revenons aux femmes que je connais mieux, celles qui comme moi ont dû jongler entre maternité et carrière dans un pays et une société qui attend d’elles qu’elles fassent tout et parfaitement. Ton travail ne doit pas faire de l’ombre à ton rôle d’épouse et de mère.

Celles qui comme ma mère ont sacrifié leurs rêves pour être mère a temps plein convaincues d’offrir ainsi à leur progéniture une meilleure vie, basée sur le « mérite ».

Celles comme moi, qui ai repris le travail trois semaines après la naissance de ma fille, et qui ai continué à prouver, chaque jour, que j’avais ma place pour finir à l’hôpital et être absente de de longs mois. 

Celles dont j’ai entendu les voix dans Conversations Féminines, qui racontaient à quel point elles avaient dû s’appuyer sur d’autres femmes – nounous, sœurs, mères, amies – pour tenir le coup, pour continuer à exister dans des espaces qui ne leur laissaient pas de place.

Et même là cela ne suffit pas

Le moindre pas de côté se paye en opportunité qui s’éloigne. Promotion reportée. Augmentation voguant au large loin de notre portée.

J’ai passé une vingtaine d’années à essayer de m’adapter, trouvant et développant stratégies et astuces pour trouver ce fameux équilibre vie-pro vie perso qu’on clame urbi et orbi. Pour mettre du sens dans ce fameux leadership féminin. Pendant longtemps j’ai vanté les mérites de l’organisation comme nous toutes.

Depuis quelques années je suis régulièrement invitée à donner des conférences dans des entreprises ou devant un public plus jeune. J’entends les complaintes des femmes, des mères et jeunes filles. J’entends et vois le poids qu’elles portent, que nous portons. 

Et parmi celles ci, les grossesses et leur corollaire le congé maternité revient, pour celles qui sont dans des entreprises respectueuses des droits des salariées.

La première fois que j’ai entendue parler de la rallonge des congés maternité au Sénégal, j’ai eu des sueurs froides, j’avoue. Je pense même avoir écrit quelque part que c’était une fausse bonne idée.

A l’époque, je pensais et pense encore que ce sera utilisé contre nous. Que ce n’est pas une manière de nous intégrer mais plutôt de nous dire : restez chez vous, occupez-vous des enfants, vous n’avez pas besoin d’espace public. Que les discriminations que nous subissons déjà à l’embauche et lors des promotions connaîtraient leur apogée. Combien de chefs d’entreprise demandent entre les lignes « statut marital et nombre d’enfants ». Avec les années, nous apprenons à comprendre le sens de ces questions. La rallonge du congé maternité est la bienvenue, si elle est accompagnée de mesures concrètes qui l’encadrent. Sinon, tout doucement nous continuerons à être effacée de l’espace public.

Mais il y a une chose que j’ai comprise trop tard.

On considère la maternité et la grossesse comme une affaire de femmes. Du coup, les femmes qui travaillent ont toutes tendance à se reposer sur un réseau féminin : nounous, amies, sœurs, mères, collègues solidaires. Mais il ne s’agit pas de réseau féminin en entreprise. Dans les lieux de décision, dans les espaces de pouvoir, dans les embauches, dans les promotions, ces réseaux n’existent pas.

Ces lieux ne sont pas pensés pour nous. On nous demande d’y évoluer, de nous y “intégrer”, mais sans jamais en changer les règles ce qui nous pénalise. Pile tu gagnes, face tu perds.

Voilà, à présent, là où ma réflexion a évolué. 

En lieu et place d’un congés maternité rallongé que pour la mère, le mieux à faire est un congé parental. Un congé pour les deux parents, répartis équitablement. Ainsi plus aucune femme n’aura peur de perdre son emploi, sa promotion, mise au placard ou écartée pour avoir enfantée. 

Dans un pays où toutes les femmes sont les femmes, mère,  sœurs, tantes, filles de tous, il devient urgent qu’elles puissent compter et se reposer sur la solidarité de leurs époux, pères, frères, oncles, fils. Car oui, en tant que femme sortant de couches nous avons besoin de plus de temps pour nous et pour notre enfant. Un enfant ne se gère pas seule. Le minimum c’est d’avoir un père et une mère pour s’en occuper. À défaut de tout le village.

Bonne fête

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *